Texte intégral du livre :

"LES PRISONS DU MONT SAINT MICHEL"

par ETIENNE DUPONT. Liens vers pages suivante, précédente et sommaire du livre en bas de page.

Toute une littérature fit alors éclosion au Mont Saint Michel. Tout le monde écrivait, vers ou prose et la contagion gagna le médecin qui éprouva le besoin de consigner ses impressions dans un opuscule dont le titre est vraiment curieux : "Episode littéraire pour servir à l'histoire des ouvriers de la pensée relatif au testament médical philosophique du Docteur Dumons de Montaux, dernier médecin pénitenciaire du Mont Saint Michel."
Certes, ce n'était pas une sinécure que la place de directeur, de médecin et d'aumönier, dans la fameuse prison.
Les fonctionnaires, les gardiens et jusqu'au plus modeste gardes-chiourme étaient continuellement dénoncés par leurs victimes ou s'espioninaient entre eux. L'administration supérieure refusait, disait-on, aux médecins les remèdes nécessaires ; l'aumônier était traité de monstre en soutane ; le directeur de barbare, de Néron galonné (sic) ; l'aumônier surtout était villipendé. On l'accusait d'être l'inventeur des grillages destinés à rendre plus étroite la surveillance des prisonniers et leur détention plus rigoureuse, plus atroce. Auguste Blanqui écrivait à son ami Fulgence Girard, avocat du barreau d'Avranches : "C'est un étrange personnage que cet aumônier charpentier qui à un grand fils commis aux écritures, qui ôte sa chasuble après la messe, pour grimper sur les charpentes, qui pose et scelle les verroux, construit les portes des cachots, qui confesse et claquemure ses ouailles. Il est connu comme un homme avide, sans foix, méchant, faux ; il est sale comme un peigne et laid comme le plus laid des singes. C'est lui qui a imaginé les grandes grilles qui ont transformé nos cellules en cage de fer." Bientôt la Presse s'en mêla. Le Journal d'Avranches (1) livra à l'indignation publique les fonctionnaires coupables d'exercer sur les détenus les plus cruels traitements. Directeurs, médecin, aumônier, gardiens protestèrent (2). Le sous-préfet fit une enquête sur place ; le procureur du roi s'émut et ouvrit une information, mais

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(1) Journal d'Avranches, n° du 25 avril 1848.
(2) Même journal, n° du 2 mai 1848.

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