Comme nous
venons de le voir, Louis XI institua l'ordre des Chevaliers de
Saint-Michel ! Ce roi, très pieux, se rendit quatre fois
au Mont. Lors de son dernier passage, il demanda l'installation
de la cage de fer. Le Mont Saint-Michel devient ainsi une prison.
A partir de 1523, les moines n'élisent plus leur chef.
C'est le roi, en personne, qui désigne le nouvel abbé
: cela s'appelle la commende. Généralement, cet
abbé n'est pas un ecclésiastique,
et il se fait souvent nommer pour profiter des revenus de l'abbaye.
Les moines, à partir de cette date, ne trouvent plus de
motivation dans leur vie spirituelle et, bien que les pèlerins
soient toujours aussi nombreux, ils délaissent l'abbaye.
Les moines, qui furent jusqu'à soixante, sous la prélature
de Robert de Thorigny, ne sont plus que treize, en 1580. En 1591,
la menace, effrayante, de la guerre de religion se rapproche du
Mont Saint-Michel. Les protestants veulent prendre l'abbaye. Sous
les ordres de Montgomery, un groupe d'hommes se rapproche de nuit,
jusqu'au pied de l'abbaye. Là, pensant obtenir l'aide d'un
soldat ennemi, acheté quelques jours auparavant, ils attendent
que celui-ci les hisse à l'intérieur de l'édifice.
Et, de fait, les protestants se retrouvent bientôt à
plus de quatre-vingts dans le monastère. Montgomery, étonné
de n'entendre aucun bruit de bataille à l'intérieur,
demande à l'un de ses plus fidèles soldats de monter.
Arrivé dans le cellier, ne voyant
aucun des siens, il comprend le stratagème et hurle pour
prévenir son chef "Trahison,
Trahison !" Entendant cela, les
protestants s'enfuirent, laissant derrière eux quatre-vingt-dix-
huit des leurs.
En 1594,
la foudre tombe de nouveau sur le clocher de l'abbaye. La flèche
est complètement détruite et une partie de la charpente
de l'église est réduite en cendre. L'abbé
refuse de faire entreprendre les réparations, ce n'est
que quinze ans plus tard que clocher est reconstruit. Les abbés
qui se désintéressent de leur abbaye, les pèlerins
qui viennent moins nombreux, et la lassitude des moines sont les
causes d'un grand bouleversement au Mont. En 1622, les moines
sont remplacés par neuf moines Bénédictins
de la Congrégation de Saint-Maur (des Mauristes). Ces religieux,
sont extrêmement cultivés. Désirant faire
partager leur savoir, ils ouvrent une école où une
dizaine d'élèves suivent des cours. Malheureusement,
les Mauristes sont de piètres bâtisseurs. Au lieu
de réparer les trois travées de la nef de l'église,
qui menaçaient de s'effondrer, ils les démolissent.
A la place du trou laissé, ils construisent une façade
d'un style plutôt laid.
Le
Mont au soleil couchant.
L'élan
apporté par les Mauristes sera de courte durée, car,
le système de la commende ruine l'abbaye. Les revenus du
monastère s'effondrent, et les moines s'endettent. La précarité
de l'abbaye est grande, la Révolution achève sa ruine.
En 1790, les moines sont chassés de l'abbaye. Tous les biens
sont vendus en 1792. Avec la Révolution, le Mont Saint-Michel
devient une véritable prison.
A partir de 1792, trois cents prêtres
sont enfermés dans les murs de l'abbaye. Ils seront libérés
en 1799. A leurs suites seront internés des forçats.
Toutes les salles de l'abbaye
sont transformées en ateliers. Les prisonniers seront jusqu'à
sept cents à travailler dans ces pièces. Aussi, pour
augmenter la surface utilisable, un plancher sépare l'église
abbatiale. L'administration pénitentiaire délaisse
totalement l'entretien des bâtiments et, en 1817, l'ancienne
hôtellerie, bâtie durant le règne de Robert
de Thorigny, s'effondre.
En
1834, un incendie se déclare dans l'église abbatiale,
transformée en atelier à chapeaux. La toiture est
détruite et les travaux de réparations sont trop modestes,
par rapport à l'ampleur des dégâts. Chaque jour,
l'abbaye s'enlaidit un peu plus. Heureusement, des hommes célèbres,
principalement des écrivains (Hugo, Flaubert...
), affligés par un tel désastre, font pression sur
le gouvernement. Enfin, en 1863 la prison est supprimée.
L'abbaye est louée à l'évêque
de Coutances. Des moines habitent de nouveau l'abbaye. Les pèlerins
reviennent animer le Mont Saint-Michel. Les hôtels, restaurants
et magasins de souvenirs ouvrent de nouveau leurs portes à
des visiteurs de plus en plus nombreux.
L'abbaye,
qui menace ruine de toute part, est classée au registre des
monuments historiques en 1874. Les moines sont de nouveau expulsés,
mais cette fois pour une cause juste. L'architecte Edouard Corroyer
est nommé pour entreprendre les travaux de restauration.
C'est sa servante, Annette Poulard,
qui est à l'origine de la fameuse omelette,
toujours très prisée aujourd'hui. Les travaux de restaurations
donnent au Mont Saint-Michel son apparence actuelle, quand, en 1898,
la flèche est achevée. Lors
de la célébration
du millénaire du Mont, en 1966, des moines ont formé
une petite communauté. Installés dans les logis
abbatiaux, ils demeurent depuis à l'année sur
l'îlot. La ville quant à elle accueille un flot constant
de visiteurs, 3 millions par an, et c'est aussi un peu grâce
à cela que le Mont Saint-Michel est aujourd'hui ce qu'il
est.
VOIR LA PREMIERE PARTIE
DE L'HISTOIRE DU MONT-SAINT-MICHEL |