que
le prélat doit venir au Mont pour y aplanir l'endroit où
s'élèvera le sanctuaire.
Et voilà que, tout-à-coup, Bain entend une lointaine
rumeur. Ce n'est pas le murmure du vent dans les arbres, car aucun
souffle d'air ne passe au travers des feuillages ; ce ne sont
pas les sourds grondements du tonnerre; le ciel est d'une pureté
parfaite; ce n'est pas le bruit de la mer qui déferle;
car, par delà les falaises de Chausey, les ondes bleues
miroitent tranquillement sous la nappe dorée du soleil.
La rumeur s'approche, Bain prête l'oreille; ce sont des
cantiques qui s'élèvent;
c'est une procession qui s'avance.
Déjà il aperçoit, sur la route d'Avranches,
de nombreux fidèles; des croix et des bannières
dominent la foule; des prêtres entourent un vieillard qui
s'appuie sur une crosse de bois.
C'est Messire Aubert, évêque
d'Avranches, qui se rend au Mont Tumbe pour obéir aux
commandements de saint Michel.
Derrière lui marchent, en habits de travail, des hommes
robustes portant sur leurs épaules des, pelles et des pioches;
d'autres tiennent à la main des leviers de fer, d'autre
des cordes et des liens de chanvre.
Et Bain entend une voix inconnue, sortant d'une invisible bouche,
qui lui dit:
« Toi aussi, cours au Mont Tumbe avec tes fils ! »
Le paysan croit rêver; il veut reprendre son travail interrompu;
mais le cheval, d'ordinaire si doux, refuse d'avancer.