vue,
soit qu'il dût s'éclaircir peu à peu, faisant
sa gaze de plus en plus transparente, découvrant les objets
un à un, et luttant jusqu'à la dernière seconde
contre le jour enfin victorieux.
Dans l'un et l'autre cas, les différentes troupes, dispersées
sur les tangues, allaient se chercher,
à coup sûr, se voir et se combattre.
Sur les rochers qui bordent le mont Saint-Michel, du côté
de la Bretagne, une troupe d'hommes armés était
rangée en bon ordre.
À la tête de cette troupe, se trouvait un chevalier
banneret, portant à son haubert l'écusson vairé-contrevairé
d'or et de sable des sires de Ligneville en Cotentin.
Son petit bataillon et lui demeuraient immobiles, comme s'ils
eussent été chargés de garder le Mont contre
une attaque prochaine.
Vers cette heure, Corson, Coëtaudon et les autres, qui avaient
rallié une douzaine de soudards, suivaient, dans la brume
éclaircie, la piste de monsieur Hue de Maurever.
Derrière la troupe cantonnée sur les rochers, l'étendard
de Saint-Michel était planté en terre, au-dessous
de la bannière de France.
Un coup de vent chassa la brume qui enveloppait encore la base
du roc.
On vit dans les sables un vieillard entouré de quelques
femmes et de quelques paysans. Presque au même instant,
les hommes d'armes de Méloir sortirent de la brume refermée.
-En avant ! dit le sire de Ligneville. La bannière de France
fit flotter au soleil ses longs plis d'argent.
La troupe descendit sur la grève. Elle se mit entre les
fugitifs et les hommes d'armes.
-Que venez-vous quérir sur les domaines du Roi ? demanda
monsieur de Ligneville.
-Nous venons, par la volonté de notre seigneur le duc,
répondit Corson, quérir monsieur Hue de Maurever,
coupable de trahison.
-Et portez-vous licence de franchir la frontière ?
-De par Dieu ! monsieur de Ligneville, riposta Corson, quand notre
seigneur François a sauvé votre sire des griffes
de l'Anglais, il a franchi la frontière sans licence.