Ligneville
fit un geste. Ses soldats se rangèrent en bataille. Hue
de Maurever perça les rangs.
-Messire, dit-il, si ces gens de Bretagne veulent s'en retourner
chez eux en se contentant de ma personne et en laissant libres
tous les pauvres paysans de mes anciens domaines, je suis prêt
à me livrer en leurs mains.
-Donc, pour ce, franchissez la rivière de Couesnon, messire,
répliqua Ligneville ; sur la terre du Roi, on ne se rend
qu'au Roi.
Le sire de Ligneville demanda ensuite aux Bretons :
-Qui est votre chef ? Kerbehel, Corson et Coëtaudon se consultèrent.
-Notre chef est le chevalier Méloir, dirent-ils.
-J'ai entendu parler de ce chevalier Méloir, répondit
M. de Ligneville ; dites-lui, pour l'honneur de la chevalerie,
qu'il évite de passer à portée de ma lance,
car monsieur l'abbé du mont Saint-Michel m'a donné
l'ordre de le faire pendre.
Le rouge vint au front du vieux Maurever.
-Par mon salut ! messire, s'écria-t-il ; le duc François
l'a fait chevalier. Je vous prie de me faire raison de ce qui
est une insulte au duché de Bretagne tout entier.
-Allons ! disaient en riant les soldats du monastère ;
voici le vieux chevalier qui va se mettre avec ses assassins contre
nous.
Mais Ligneville avait pris la main de Maurever et l'avait serrée
avec respect.
-Si mes paroles vous ont causé de la colère, monsieur
mon digne ami, avait-il dit, de grand coeur je rétracte
mes paroles.
Mais je ne vous laisserai point, ajouta-t-il en souriant, faire
de l'héroïsme avec de pareils coquins. Ce serait jeter
des perles aux animaux que vous savez. Monsieur Hue de Maurever,
vous êtes le prisonnier du Roi !
Avant que le vieillard pût répondre, on l'avait saisi
et conduit derrière les rangs.
-Holà ! maraudaille ! s'écria Ligneville, avec rudesse
; maintenant, hors d'ici et vitement ! Il s'adressait ainsi aux
hommes d'armes de Méloir.