Maître
Gueffès dit alors aux soudards :
-Il y a du cidre, du vin et de l'hypocras à la ferme du
vieux Simon Le Priol. Les soldats descendirent sans bruit la colline.
On enfonça la porte de Le Priol et l'on se mit à
faire bombance. De ce qui se passa en ce lieu entre Gueffès
et les soldats ivres, nous ne donnerons point le détail.
Mais quand nos fugitifs, qui avaient poussé leur pointe
dans les terres jusqu'au delà d'Ardevon
pour éviter les poursuites, descendirent dans le village
de la Rive et entrèrent en grève, le petit Jeannin
s'arrêta tout à coup. Son bras étendu montra
la côte de Bretagne, dans la direction de Saint-Georges.
On voyait une grande flambée parmi les arbres. Les Le Priol
et Reine se retournèrent. Reine poussa un cri.
-Qu'est cela ? demanda-t-elle. Le vieux Simon fit un signe de
croix.
-Que Dieu nous assiste, balbutia-t-il ; c'est au village de Saint-Jean-des-Grèves.
Fanchon fut obligé de s'asseoir sur le sable. Le coeur
lui manquait.
-Femme, lui dit Simon, la maison de mon père est brûlée.
Nous n'avons plus rien sur la terre, mais nous avons fait notre
devoir.
Les doigts de Julien se crispaient autour du bois de son arbalète.
Les fugitifs restèrent là cinq minutes. Puis le
petit Jeannin dit :
En avant !
On tourna le dos à l'incendie, et l'on se dirigea sur Tombelène.
Le vieux Simon ne se trompait point. C'était bien au village
de Saint-Jean qu'avait lieu l'incendie,
et c'était bien sa maison qui brûlait.
Seulement, il y avait d'autres maisons que la sienne. Maître
Vincent Gueffès ne faisait jamais le mal à demi.
Pendant toute cette nuit-là, Aubry travailla de son mieux.
Il avait travaillé la nuit précédente et
la journée entière.