corridor
et débouchaient dans le cloître, où quantité
de moines se promenaient. Bruno changea de ton soudain.
-Oui, sire chevalier, dit-il avec toutes les apparences d'un respect
profond ; les trois cachots se font suite l'un à l'autre
et sont creusés dans le roc vif. Dom Nicolas Famigot, vingt-quatrième
abbé du saint monastère, fit, en outre, redorer
la statue tournante de saint Michel, archange, qui est au sommet
du campanile. Son décès eut lieu le dix-neuvième
jour de mars, en l'an 1272, et le cartulaire rapporte...
Le cloître était traversé.
-Du diable si je sais ce que rapporte le cartulaire, messire Aubry,
reprit Bruno ; le cartulaire ne contient point de bonnes aventures
comme celle dont j'ai été témoin aujourd'hui.
Ah ! laissez-moi rire encore un petit peu, je vous en prie. Quelle
figure il avait ce Méloir ! et ses regards piteux !...
Ah !... ah !... ah !... Et maintenant, je donnerais bien deux
ou trois deniers pour savoir quelle vie il mène tout seul
dans votre cachot !
Aubry ne pouvait partager l'expansive hilarité du frère
servant.
Son casque n'avait pas de visière.
Méloir avait dû amener quelque suite avec lui au
couvent : Aubry craignait de rencontrer des hommes d'armes sur
son passage et d'être reconnu.
Mais Bruno avait contre sa crainte des arguments sans réplique.
-Les soudards, disait-il ; ah ! ah ! je les ai vus, ce sont d'assez
bons drilles. C'est moi qui les ai menés au réfectoire
des laïques. Ils y sont entrés sur leurs jambes ;
mais il faudra les en tirer sur des civières, oui bien
! Ah ! ah ! j'ai été soldat, et je fais pénitence
!
Frère Bruno passa sa langue sur ses lèvres, ému
au souvenir de quelque bonne aventure.
Ils descendirent le grand escalier, traversèrent la salle
des chevaliers, le réfectoire des moines, et arrivèrent
au seuil de la salle des gardes.
-La tête haute ! dit frère Bruno qui était
un observateur ; l'air insolent, le poing sur la hanche, c'est
comme cela que marche le Méloir !
Les gardes firent avec respect le salut des armes. La porte extérieure
s'ouvrit.