-Je
suis chargé, dit le moine servant au portier, de montrer
la chapelle Saint-Aubert au digne chevalier
Méloir.
-Que Dieu vous accompagne ! souhaita le frère tourier.
Et ils passèrent. Aubry respira bruyamment. Le frère
Bruno était aussi content de lui.
-Maintenant, reprit-il, où allez-vous, mon jeune seigneur
?
-Je ne puis vous le dire, répliqua Aubry.
-Ah ! si fait, si fait ! s'écria Bruno, puisque je vais
avec vous.
-Comment ! vous venez avec moi ?
-Je vous suis au bout du monde !
-Mais votre habit, mon frère ?...
-Je n'ai pas fait des voeux, messire Aubry, je vous l'ai dit :
je ne suis qu'une moitié de moine, et je ne me soucie pas
beaucoup de vous remplacer dans le cachot creusé par dom
Nicolas Famigot, vingt-quatrième abbé du mont Saint-Michel,-
bien que ce soit un fort bel ouvrage.
-Vous croyez qu'on vous rendrait responsable ?...
-Le chevalier Méloir parlerait du coup de poing. Un beau
coup de poing, messire, avez-vous vu ? Et ce soir je coucherais
sur la paille. À ce sujet-là je sais une histoire
qui va véritablement vous bien divertir, du moins je l'espère.
C'était en l'an... attendez donc !... l'année m'échappe,
mais c'était bien sûr avant l'an quarante, parce
que j'avais encore mes trois dents de devant qui me furent cassées
d'un méchant coup de masse d'armes sous Hennebon. Et celui
qui me gâta ainsi la mâchoire en mourut. Il arriva
que le sire de Vilaine qui tenait la seigneurie de Landevan...
-Mon frère Bruno, interrompit Aubry, je vais en un lieu
où je n'ai pas le droit de vous emmener.
-Tournez ici, messire Aubry, répondit le convers ; mieux
vaut entrer un peu en grève que de marcher dans ces roches
diaboliques qui usent en deux jours de temps la meilleure paire
de sandales.
Comme ça, vous ne voulez pas de mon histoire ? C'est bon
messire Aubry ; quant au lieu où vous allez, si vous ne
m'y menez pas, moi, je vous y mènerai.
-Vous sauriez ?...
-Croyez-vous que le troisième carreau de mon compagnon
Alain,