Ou
bien le travail nocturne d'Aubry avait-il éveillé
les soupçons ?
Avant que notre prisonnier eût eu le temps de répondre
en lui-même à ces questions, un pas lourd et sonnant
la ferraille succéda au bruit des verrous.
-Eh bien ! mon cousin Aubry, dit une grosse voix à la porte,
nous dormons encore ! par mon patron, il paraît que nous
faisons ici la grâce matinée ?
Aubry se leva vivement.
-Méloir ! s'écria-t-il.
-Entrez, entrez, sire chevalier, dit le frère Bruno à
son tour ; ce n'est pas très grand ces cellules, mais pour
ce qu'on y fait, voyez-vous, ça suffit. Je me souviens
qu'en l'an trente-cinq, peu de temps après mon arrivée
au monastère, il y avait un prisonnier nommé Olivier
Triquetaine, lequel prisonnier était si gros qu'on eut
bien du mal à lui faire passer la porte pour entrer. Quant
à sortir, il n'en sortit que dans sa bière. Cet
Olivier Triquetaine était un assez joyeux compagnon.
Il disait toujours le samedi soir...
-Quand vous me reconduirez, mon frère, dit Méloir
en le congédiant, vous m'apprendrez au long ce que disait
Olivier Triquetaine les samedis soirs.
-Bon ! fit Bruno, je n'y manquerai pas, puisque ça vous
intéresse, sire chevalier. Il sortit et ferma la porte
à triple tour.
-Sire chevalier, cria-t-il à travers la planche de chêne,
à l'heure où il vous plaira de vous en aller, frappez
et ne vous impatientez pas, je vais à matines.
-Peste ! dit Méloir en se tournant vers Aubry, mon cousin,
tu as un geôlier de bonne humeur ! Et comment te portes-tu,
depuis le temps ?
-Bien, répliqua Aubry.
-Le fait est que tu n'as pas encore trop mauvaise mine.
-Que viens-tu faire ici ?
-Savoir de tes nouvelles en passant, mon cousin Aubry, et te donner
une bonne poignée de main.