Il
tendit sa main à Aubry, qui la repoussa.
-Oh ! oh ! fit Méloir ; sais-tu que c'est la main d'un
chevalier, mon cousin ?
-Je le sais, et j'ai grande honte pour la chevalerie.
-Qu'est-ce à dire ! s'écria Méloir qui fronça
le sourcil. Mais il se ravisa tout de suite.
-De temps immémorial, continua-t-il, les vaincus ont eu
droit d'insolence.
Ne te gêne pas, mon cousin, ces murs de granit doivent bien
aigrir un peu le caractère. Des captifs, des enfants et
des femmes, un chevalier sait tout souffrir.
-Un chevalier ! répéta Aubry qui haussa les épaules.
Et l'on se plaint que la chevalerie s'en va ! Par Notre-Dame,
mon cousin, s'il y a beaucoup de gens comme toi portant éperons
d'or et coeurs de coquins...
Méloir pâlit.
-J'ai dit coeurs de coquins, appuya Aubry, dont la voix était
calme et froide ; si tu as quelque chose dans l'âme, va-t-en
; car je n'aurai pour toi que des paroles de mépris.
-Eh bien ! mon cousin Aubry, dit Méloir en riant de mauvaise
grâce, j'en prends mon parti et je reste. Accable-moi, cela
te soulagera. Et moi, je prierai Dieu de me compter cette humiliation,
chrétiennement supportée, quand il s'agira de passer
la grande épreuve.
Que diable ! ajouta-t-il, changeant de ton brusquement ; ne peut-on
se faire la guerre et vivre en amis pendant la trêve ? Allons
! cousin Aubry, laisse là ta gourme d'Amadis et causons
comme d'honnêtes parents que nous sommes.
Nous ferons remarquer ici que le type normand se divise en trois
catégories bien distinctes, mais également sujettes
à caution.
Et il est entendu ici que ce mot normand ne s'applique pas du
tout dans notre bouche aux habitants d'une province aussi célèbre
par son beurre que recommandable par son cidre.
Le mot normand est passé dans la langue usuelle au même
titre que le mot gascon, que le mot juif, et autres vocables exprimant
des nuances de moeurs ou de caractères.
Le Juif est un Arabe double ; l'Arabe est un coquin sans malice
qui