poursuivit
le malheureux jeune homme, et ne le quitta que contraint par la
force, au moment où Gilles franchissait le seuil funeste
du château de la Hardouinays.
Hue de Maurever était un Breton de la vieille souche :
dur et fidèle comme l'acier.
Dans cette retraite qu'il s'était choisie pour fuir la
vengeance de François, il n'y avait rien, ni meubles, ni
vivres.
Une cruche sans eau et une croix qu'il avait fabriquée
lui-même avec deux morceaux de bois, voilà quelles
étaient ses richesses.
Au moment où le crépuscule du matin commençait
à dessiner les objets au dehors, Hue de Maurever se réveilla
en sursaut et serra son épée.
Son regard interrogea l'entrée de la tour qui était
barricadée à l'aide de quelques planches, et il
fit un pas en avant, l'épée haute, comme pour repousser
des assaillants invisibles.
Un rêve lui avait montré, sans doute, sa retraite
attaquée.
Le silence profond qui régnait sur le mont Tombelène
mit bien vite fin à son erreur ; son épée
retomba.
-Ce n'est pas encore pour cette nuit, murmura-t-il.
Cela fut dit sans regret, assurément, mais aussi sans joie,
sur le ton de l'indifférence la plus parfaite.
Il étira ses membres fatigués et engourdis par la
pose qu'il avait gardée dans son sommeil.
Puis il s'agenouilla devant la croix de bois et dit ses oraisons.
Parmi ses oraisons, il y en avait une qui était ainsi :
-» Mon Dieu ! pardonnez-moi de m'être élevé
contre mon seigneur légitime le duc François de
Bretagne. «Donnez à mondit seigneur le repentir.
«Qu'il aille en votre miséricorde
à l'heure de sa mort.»
Longtemps après qu'il eut achevé ces prières
prononcées à haute voix, il resta sur ses genoux,
la tête inclinée, un murmure aux lèvres.
Dans ce murmure revenait souvent le nom de Reine.
Reine, sa fille, son amour unique, son espoir chéri.
Hue de Maurever se leva enfin. Le jour avait grandi, mais la brume