Julien
était assis entre son père et sa mère. Tout
le monde l'interrogeait des yeux. Il y avait sur son visage une
émotion grave et triste.
-Quand monsieur Hue de Maurever, commença-t-il avec lenteur,
me conduisit au château du Guildo, apanage de monsieur Gilles
de Bretagne, je vis de belles fêtes, mon père et
ma mère ! Il était jeune, monsieur Gilles de Bretagne
et fier, et brillant.
Maintenant, il est couché dans un cercueil de plomb, sous
les dalles de quelque chapelle. Et
tout le monde sait bien qu'il est mort empoisonné !
-Mon fils Julien, dit Simon Le Priol, nous avons prié Dieu
pour le salut de son âme. Que peuvent faire de plus des
chrétiens ?
-Nous autres ! répliqua le jeune homme en jetant un regard
sur son habit de paysan, rien... mais monsieur Hue de Maurever
est un chevalier !
Voilà ce qu'ils disent, mon père et ma mère,
sur le marché de Dol :
Notre seigneur François était jaloux de monsieur
Gilles, son frère. Il le fit enlever nuitamment du manoir
du Guildo par Jean, sire de la Haise, qui n'est pas un Breton,
et Olivier de Méel qui est un lâche ! Jean de la
Haise enferma monsieur Gilles dans la tour de Dinan. Et comme
le pauvre jeune seigneur, prisonnier, faisait des signaux au travers
de la Rance, Robert Roussel- un damné !- l'emmena jusqu'à
Châteaubriant où les cachots sont sous la terre.
Les cachots de Châteaubriant ne parurent point pourtant
assez profonds. Jean de la Haise et Robert Roussel mirent leurs
hommes d'armes à cheval par une nuit d'hiver, et conduisirent
monsieur Gilles à Moncontour.
À Moncontour, il y a des hommes. On plaignait monsieur
Gilles.
Jean de la Haise et Robert Roussel fermèrent sur lui les
portes de la forteresse de Touffon.
Et comme Touffon est trop près d'un village, on chercha
encore. On trouva, au milieu d'une forêt déserte,
le château de la Hardouinays, où monsieur Gilles
a rendu son âme à Dieu...
Mon père et ma mère, je ne suis qu'un vilain, mais
mon coeur se soulève à la pensée de ce qu'a
dû souffrir le fils de Bretagne avant de mourir.