malheureusement,
une tempête s'éleva dans l'après-midi, la
rendit furieuse, et le soir elle fondit sur les digues comme un
torrent. Elle balaya en quelque sorte celles des terrains amodiés
par le domaine, et le lendemain
on apercevait à peine dans la grève quelques monticules
épars, seuls indices de leur existence de la veille. Notre
digue de la Larronnière fut gravement endommagée;
le sommet de celle du Vivier fut bouleversé depuis le Gros-Ormeau
jusqu'aux moulins, l'eau envahit
la route, la dégrada et pénétra jusque dans
les maisons. Une partie de la digue neuve de Hirel, eut aussi
beaucoup à souffrir mais c'est surtout à Saint-Benoit,
à l'ouest du pont de Blanc-Essai, que les sinistres furent
considérables.
Il
serait difflcile, à moins d'en avoir été
témoin, de se faire une idée de l'état de
la mer. Elle déferlait avec une violence inexprimable;
le mugissement des vagues avait quelque chose de terrible; les
flots s'élevaient à une hauteur prodigieuse et retombaient
avec un fracas épouvantable sur la digue, qu'ils dévastèrent
dans une étendue de 75 mètres. L'épi qui
avoisine le pont fut presque totalement rasé et les pierres
qui le forrmaient entrainées par les ressacs, furent précipitées
dans la rivière. Le pont lui-même fut un moment compromis
et peut-être ne dut-il son salut qu'à un monceau
de pierres déposées en approvisionnement qui, étant
venu à s'écrouler par suite de la destruction du
terrain contigu, arrêta les progrès du mal. La partie
de la digue subjacente à la cabane d'Amelot fut également
atteinte, et la cale située en face de sa maison radicalement
anéantie. A Pont-Benoit, la mer causa aussi de grands ravages.
Presque partout, elle. ruisselait sur la chaussée, elle
s'introduisait dans beaucoup de maisons, dans quelques-unes elle
s'éleva même à plus de 30 centimètres.
L'effroi des habitants du littoral était à son comble,
ils avaient non seulement à redouter le danger présent,
mais encore ils pouvaient craindre qu'à la marée
prochaine, la mer ne vînt achever son œuvre de destruction.
La tempête s'étant heureusement apaisée avec
le jusant, le péril disparut aussi avec elle.