pour
soutenir la paille; une autre planche en forme de banc permettait
de s'asseoir et de s'adosser contre cette couchette improvisée.
Du reste, nul plancher à la saline; une ouverture appelée
bellon, pratiquée dans la toiture, donnait passage à
la fumée qui y arrivait péniblement après
avoir traversé une forte charge de bois de fagot, que l'on
faisait ainsi sécher. Cette disposition avait pour résultat
de remplir de fumée toute la saline. De là le proverbe
normand: « Fumer comme une saline.»
Deux objets faisaient la gloire de la saline: une petite tasse
d'argent que les sauniers se transmettaient de père en
fils et dans laquelle ils buvaient souvent un coup de vin et la
pierre, dite borderesse, avec laquelle (d'où son nom) on
redressait les bords des plombs déformés par le
feu et le poids du liquide. Cette pierre était noire de
fumée. Or, l'usage voulait que toute personne, étrangère
a la saline et y entrant par curiosité embrassât
cette pierre. L'a figure ressemblait alors à celle d'un
charbonnier ou au visage de ces gamins qui, dans les fêtes
de village, donnent le baiser de la tuile.
Le jeune Michel n'échappa pas à la coutume : il
embrassa la fameuse pierre et rit de bon cœur d'être
ainsi barbouillé de suie. Un clair ruisseau passait tout
auprès: il s'y lava, tandis que le bon prieur lui disait:
« Voilà, j'en suis sûr, une aventure que sauront
tes petits camarades de Malines, »