vivement
le jeune belge en lui racontant ce qui s'était passé,
au douzième siècle, entre le seigneur de Saint-Jean-le-Thomas
et les bénédictins du Mont-Saint-Michel.
L'abbaye avait alors à sa tête Roger II, que les
manuscrits du Mont nomment « homme docte, de grande religion,
et en tout capable de gouverner un monastère ».
Il avait su, par sa fermeté, ramener l'ancienne discipline
et rétablir l'ordre de Saint-Benoît;
il avait pris grand soin de la gestion du temporel, régularisé
des ventes mal faites par un prédécesseur négligent,
et transigé habilement dans plusieurs procès douteux,
intentés à la légère. Il s'était
occupé de reconstruire des édifices ruinés
par le feu du ciel. Grâce à lui, le chartrier s'était
rempli de nouveaux parchemins, et la bibliothèque d'importants
manuscrits. Mais, s'il avait heureusement surmonté des
obstacles sans nombre, il s'était buté à
l'animosité d'un seigneur voisin, le baron Thomas de Saint-Jean.
Roger avait appris que cet homme puissant et redoutable, obligé
par un contrat en due forme à payer annuellement une redevance
à l'abbaye, s'était refusé à verser
la somme en argent ou à se libérer en nature, comme
il en avait le choix. Un frère avait été
dépêché vers lui; il le reçut avec
mépris; bien