de
l'hiver, maniaient les fuseaux chargés de fil avec une
dextérité merveilleuse ; les prenant, les quittant,
les mêlant, les faisant rouler sur le coussin, d'une poussée
régulière du bout des doigts. Une infinité
de longues épingles en cuivre recouvrait celui-ci; à
chaque instant, elle en déplaçait une, puis, ressaisissant
ses fuseaux et le lin, elle dessinait des arabesques, des fleurs,
des étoiles, des rosaces, comme le caprice du givre sur
une vitre. A la partie antérieure du coussin, était
fixé le modèle et j'admirais avec quelle rapidité,
se réalisaient, sans défaillances ni, reprises,
les multiples combinaisons d'un dessin touffu et fin comme une
trame arachnéenne. Pendant qu'accroupie sur sa tâche,
le dos voûté, et les yeux fixés sur les épingles,
la dentellière entrelaçait ses fils, l'ombre, d'un
passant s'étendait par moments sur ses longues mains pâles
et un bruit de talons, décroissant dans la ruelle, se mêlait
au cliquetis des fuseaux. La splendeur ancienne de l'art charmant
qui fut une des gloires malinoises, aboutit aujourd'hui à
ce travail solitaire d'un groupe clairsemé de pauvres femmes,
continuant à faire, dans les recoins perdus de la ville,
les délicates besognes sur lesquelles ont pâli leurs
aïeules. Elles vivent, misérablement, dans les intérieurs
humbles et délabrés, gagnant à grand peine
à ce labeur dont l'objet va parer les reines du monde,
l'alimentation de