avait
englouti en quelques minutes. Peut-être cet infortuné
ne croyait-il pas, lui non plus, aux sables mouvants et avait-il
fait comme notre parisien, de grosses plaisanteries sur cet horrible
genre de mort ?
Le brouillard est le troisième ennemi du pèlerin.
Il règne souvent dans la baie du Mont-Saint-Michel, avons-nous
dit dans un ouvrage récent (1), une brume très intense,
qui tombe avec une rapidité extrême. Tantôt,
le brouillard arrive du large, c'est-à-dire du Nord-Ouest,
en bancs, en hailles selon l'expression des pêcheurs, traînant
sur les tangues d'immenses masses
floconneuse qui, peu à peu, se rejoignent et finissent
par devenir compactes; tantôt il tombe lourdement, comme
une chape de plomb: plus de côtes, plus de sables, plus
de mont, plus de ciel. L'homme qui marche au milieu de ces vapeurs
d'une âcreté suffocante ne distingue même pas
ses pieds. Un phare, vu de très près, ressemble
à la lueur falote d'une lanterne. Un des directeurs de
la maison centrale du Mont-Saint-Michel (on sait que le Mont fut
longtemps un lieu de détention pour les condamnés
de droit commun et surtout pour les condamnés politiques),
racontait, à ce propos, une curieuse anecdote. Il revenait
à cheval de la chasse avec quelques amis, lorsqu'ils furent
1.
Le Mont-Saint-Michel Inconnu. Paris, Perrin, 1912.