vieille
... je radote..." - Elle ne radotait pas du tout.
1914. La guerre éclate. Madame Poulard, dont le patriotisme
était l'une des vertus les plus éclatantes, prit
la tête de tous les mouvements de charité que fit
surgir au Mont Saint Michel l'universel cataclysme. Avec une exemplaire
docilité, elle observait les consignes et recevait les
suggestions des maîtres de l'heure. - Economisez les denrées
alimentaires, disaqit-on ... Et elle économisait le pain,
la viande ... - Cultivez, cultivez ! criaient les augures ...
Et elle ensemençait de ses propres mains les moindres parcelles
de terrain. "C'est autant de moins, disait-elle, que notre
pauvre pays devra se procurer à l'étranger."
Le bon Monsieur Poulard avait un faible pour les gâteaux,
pour la pâtisserie fraîche notamment. Or, sa femme
poussa l'abnégation patriotique jusqu'à priver son
"bonhomme", comme elle disait, de son dessert favori.
Elle réduisit de même, d'un doigt ou deux, la ration
de vieux vin qui terminait le repas. Il s'en fallut de peu que
le cigare journalier ne fût immolé à son tour
sur l'autel de la patrie. Monsieur