Chose
bizarre ! Pour plusieurs écrivains de la première
moitié du XIXe siècle, le Mont Saint-Michel ne présentait
aucun attrait. On trouve dans les Mémoires de Stendhal
cette phrase stupéfiante : En faisant à pied la
longue montée qui précède les premières
maisons d'Avranches, j'ai eu une vue complète (!) du Mont
Saint-Michel qui se montrait à gauche dans la mer; il m'a
paru si petit, si mesquin, que j'ai renoncé à l'idée
d'y aller. » Edmond About, après un voyage qu'il
fit, en 1842, en Normandie et en Bretagne, consigne aussi, en
quelques mots désobligeants, l 'impression qu'il a ressentie
devant ce village malpropre, coiffé d'une prison.
Trente-cinq ans après la visite de Gustave Flaubert au
Mont Saint-Michel, son élève et ami Guy
de Maupassant s'y rendait. Du Jardin des Plantes d'Avranches,
il contempla le splendide horizon qui s'ouvrait devant lui et
dans sa Légende du Mont Saint-Michel (Clairs de Lune, 1908,P.
129) il traduit ainsi ses impressions de rêveur et de poète:
« Je l'avais vu, dit-il, tout d'abord, de Cancale ce château
de fées planté dans la mer; je l'avais vu confusément,
ombre grise dressée sur le ciel brumeux. Je le revis d'Avranches
au soleil couchant; l'immensité des sables était
rouge, toute la baie démesurée était rouge;
seule, l'abbaye escarpée, poussée là-bas,
loin de la terre comme un manoir fantastique, stupéfiante
comme un palais de rêve, invraisemblahlement étrange
et belle, restait presque noire dans les pourpres du jour mourant
».
Voir
Le texte intégral de La Légende du Mont Saint-Michel
de Guy de Maupassant