rappellent
« une émigration de barbares se mettant en branle
et quittant les plaines ».
La vue du Mont Saint-Michel n'arracha cependant pas au futur auteur
de Salammbô ce cri d'enthousiasme qu'on attend d'un artiste
tel que lui; c'est la chaise de poste, qu'il suit à pas
pénibles, qui attire son attention: « Elle s'enfonçait,
dit-il, dans l'éloignement et sa capote que l'on apercevait,
seule, fuyant, avait l'air d'un gros crabe qui se traînait
sur la grève. » Il voit encore auprès de lui
« deux curés qui avaient peur de salir leurs robes
neuves; ils les relevaient autour d'eux pour enjamber les ruisseaux
et sautaient en s'appuyant sur leurs bâtons; leurs boucles
d'argent étaient grises de la boue que le soleil séchait
à mesure et leurs souliers baillaient en claquant. »
Voilà Flaubert entré dans la petite ville du Mont
et dans l'abbaye; il n'exalte pas la beauté suprême
de toutes ces constructions qui se mêlent et s'élancent
en plein ciel; en revanche, il compte les lucarnes des greniers,
« où l'on suspend des linges et des haillons rouges
» et il repose volontiers ses regards « sur les petits
jardins, grands comme une table, où les porreaux, languissants
de soif, couchent leurs feuilles sur la terre grise. » Sans
doute Flaubert paie un tribut d'admiration au Cloître et
à la Merveille; mais cet hommage est léger et rapide;
il est vrai qu'à l'époque où le grand écrivain
visitait le Mont Saint-Michel, l'abbaye forteresse se trouvait
dans un état lamentable; l'administration des Prisons l'avait
saccagée.