Plus
d'un demi-siècle après cette scène, Victor
Hugo descendait en voiture la même côte par une route
mieux établie; il contempla le superbe tableau que la nature
étalait à ses yeux et notait agréablement
certaines vues particulières.
Un pont fait par César, quand il vint dans les Gaules,
Montrait à l'horizon son vieux profil romain.
Voilà, en deux vers, le Pontaubault jeté sur la
rivière la Sélune, vu par un poète; mais
les archéologues nous diront que ce pont remonte, tout
au plus au XVe siècle et encore a-t-il été
très remanié, il y a une centaine d'années,
lorsqu'on cintra ses voûtes, qu'on abaissa ses tailloirs
et qu'on aiguisa leurs angles. Mais Victor Hugo n'y regardait
pas de si près ! Il a raconté en quelques lignes,
sa visite au Mont en 1836 : « Jamais, dit-il, je n'ai senti
plus qu'au Mont les cruelles antithèses que fait l'homme
avec la nature. » Et, en vérité, les circonstances
le servaient pour mettre ici, en œuvre, un procédé
dont il a souvent abusé :
.« Dans le château, ajoute-t-il, tout est bruit de
verrous, bruit de métiers; des ombres y gardent des ombres
qui travaillent; des spectres en guenilles se meuvent dans les
pénombres blafardes : sous les vieux arceaux des moines
l'admirable Salle des Chevaliers, où l'on regarde par une
lucarne, s'agiter des hommes hideux et gris qui ont l'air d'araignées
énormes; la nef romane est changée en réfectoire