dans
leurs dortoirs, les soldats veillaient à leurs postes,
sur les remparts, garnis de tours et de tourillons, hérissés
d'échauguettes pointues, crénelés formidablement
et percés d'étroites meurtrières. Elle était
superbe dans son corset de granit,
cette Montagne Vierge, le « Mons-Virgo » des anciennes
chroniques, contre laquelle les ennemis d'outre-mer s'étaient
vainement heurtés, deux siècles
durant, et qui, aujourd'hui, en cette calme soirée de fin
d'août 1591 était l'objet des convoitises des Huguenots
exaspérés.
Certes, ce n'était ni le radieux coucher de soleil, ni
le féerique crépuscule, ni le panorama immense et
varié de la baie du Mont Saint-Michel qu'admirait, ce soir
là, Monseigneur Gabriel de Montgommery, grand chef calviniste,
au faîte de la petite colline que couronne l'humble village
de Beauvoir. Escorté d'une vingtaine de ses gens d'armes,
Montgommery ne s'abîmait pas dans la contemplation de cet
incomparable spectacle. II venait de sortir de son château
de Pontorson, appelé par les catholiques, le boulevard
des calvinistes. Au loin, les armes de Montgommery étaient
triomphantes; mais quelles que fussent ses victoires, le fier
et redoutable huguenot savait bien que rien n'était fait,
puisqu'il y avait encore quelque chose à faire: s'emparer
du Mont Saint-Michel, l'arche- sainte du catholicisme. Et de rage,
à cette pensée, la main de Montgommery se crispa
sur la garde de son épée.
Tout à coup, trois hommes de son escorte qui, sentinelles
prudentes, s'étaient un peu avancés sur