Maître
Guinguené était plombier juré de la cour.
Monsieur Hue le trouva sur le palier, soudant avec soin le cercueil
où l'on allait mettre le duc François. Le duc François,
de sa chambre, pouvait entendre le marteau du maître Guinguené,
plombier de la cour.
Monsieur Hue poussa la porte des appartements.
Les ducs de Bretagne étaient des souverains puissants,
plus puissants que ces fameux ducs de Bourgogne, dont le roman
historique et l'histoire romanesque ont enflé à
l'envi l'importance.
La cour de Bretagne était une des plus brillantes cours
du monde.
Ce palais silencieux et désert, où le plombier soudait
sa boîte mortuaire en fredonnant, parlait si haut des vanités
humaines que toute réflexion serait superflue.
Dans les appartements, ornés avec magnificence, il n'y
avait personne.
Seulement, trois femmes priaient devant l'autel du petit oratoire
gothique.
C'étaient Isabelle d'Écosse, la duchesse régnante,
et ses deux filles.
Au bruit que firent en entrant monsieur Hue, Reine et Aubry, madame
Isabelle se retourna.
Elle laissa échapper un geste d'effroi.
-Oh ! messire Hue, dit-elle en pleurant, c'est le quarantième
jour. Vous n'aurez pas besoin de répéter votre appel
impitoyable !
Les deux jeunes filles se cachaient derrière leur mère.
Cet homme était pour elles le messager de la colère
de Dieu. Hue de Maurever prit la main de la duchesse et la baisa
respectueusement.
-Madame, répliqua-t-il, j'ai suivi les ordres de mon maître
mourant. Maintenant, je suis l'ordre de Dieu, qui m'a dit par
la voix de ma conscience : Va vers ton seigneur abandonné.
Fais avec ta famille une cour à son agonie.
-Est-ce vrai, cela, messire ? s'écria Isabelle, qui se
redressa.
-Je suis bien vieux, madame, et je n'ai jamais menti.