Monsieur Hue
mit pied à terre au bas du perron avec sa fille et Aubry
de Kergariou. Il entra sans prononcer une parole et prit tout
droit le chemin connu de la chambre ducale.
Sur les marches de l'escalier où jadis sonnait, tout le
jour durant, le pied de fer des sentinelles, il y avait un petit
enfant qui pleurait.
Le petit enfant pleurait, parce que deux beaux chiens de courre,
de ceux qu'on appelait fidéliens, et dont les statues de
marbre sont aux pieds des ducs de Bretagne, couchés sur
leurs tombeaux, refusaient de jouer avec lui.
Les deux chiens étaient étendus, le col allongé,
la tête renversée, et hurlaient plaintivement.
Hue de Maurever s'arrêta. Son coeur se serrait. Cette solitude
avait quelque chose de poignant et de terrible, pour l'homme qui
avait vu à d'autres époques le palais ducal encombré
d'or et d'acier retentir de bruits si joyeux.
-Monseigneur le duc est-il en son réduit ordinaire ? demanda-t-il
à l'enfant.
-Monseigneur le duc est à l'hôtel de Richemont, répondit
celui-ci sans hésiter ; quand il va venir ici, les chiens
sauteront et l'on pourra jouer. Je parle du duc Pierre, qui se
porte bien, oui !
-Le duc François est-il donc déjà mort ?
-Oh ! non ! répliqua l'enfant avec un soupir ; on disait
qu'il mourrait ce matin, mais il ne meurt pas encore ! Monsieur
Hue monta les degrés.
Aubry et Reine le suivirent, la tête baissée. L'enfant
disait :
-Oui, oui, le duc Pierre se porte bien ! Il amènera des
soudards ; il leur donnera du vin. Les soudards chanteront ; les
chiens sauteront, et l'on rira !
Tout ragaillardi par cette pensée, le blond chérubin
fit la cabriole sur les dalles du vestibule et cria :
-Maître Guinguené ! as-tu bientôt fini de souder
le cercueil ?