Le duc François
avait mis sa tête à prix !
La ville était triste.
Les ruisseaux fangeux roulaient à flots une eau grisâtre.
Les murs des maisons, détrempés par la pluie, donnaient
aux rues un aspect lugubre.
Les cloches de la cathédrale tintaient un carillon à
basse volée qui prolongeait ses vibrations monotones et
funèbres.
À peine voyait-on, à de larges intervalles, un pauvre
homme ou un bourgeois emmitouflé se risquer sur le pavé
mouillé.
Mais, sur le pas des portes et sous les porches, les commérages
allaient leur train, et partout on entendait, comme si ç'avaient
été les paroles de ce chant dolent radoté
par les cloches :
-Le duc se meurt ! le duc se meurt ! Monsieur Hue pressait la
marche de sa monture. À ses côtés chevauchait
Reine, qui était bien pâle encore de sa blessure,
mais qui était belle comme les anges de Dieu.
Aubry suivait Reine.
À deux jours de là, l'église d'Avranches
s'était illuminée pour une douce fête : le
mariage d'Aubry de Kergariou avec Reine de Maurever.
Mais la bénédiction nuptiale n'avait point été
prononcée. Une heure avant la messe, un religieux du couvent
de Dol avait dit à monsieur Hue :
-J'arrive de Bretagne. Notre seigneur le duc François attend
sa fin le dix-huitième jour de juillet, terme de l'appel
qui lui fut donné par vous au nom de feu son frère.
Notre seigneur souffre bien pour mourir. Ses amis l'ont abandonné.
Sa dernière heure sera dure.
Monsieur Hue ordonna qu'on éteignît les cierges,
et fit seller son cheval- Enfants, dit-il à Reine et à
Aubry, vous avez le temps d'être heureux. Il partit. Et
il arrivait à Nantes juste le dix-huitième jour
de juillet, terme de l'appel. Il était dix heures du matin
quand la cavalcade passa devant le palais ducal.