Et le moment
était bien favorable, en vérité. Le duc François
se mourait d'un mal inconnu, dont les premières atteintes
s'étaient déclarées en la ville d'Avranches,
le soir du service funèbre célébré
dans la basilique du mont Saint-Michel, pour le repos et le salut
de l'âme de monsieur Gilles de Bretagne.
Le 6 juin de la même année de grâce, quarante
jours en ça. Le duc François avait tenu cour plus
brillante que jamais prince breton.
Mais par la ville on disait que la cour du duc François
entourait maintenant monsieur Pierre de Bretagne, son frère
et son successeur.
Quelques vieux serviteurs restaient auprès du lit où
le malheureux souverain se mourait, avec madame Isabelle d'Écosse,
sa femme et ses deux filles.
Par la ville, on disait encore que le doigt de Dieu était
là.
Devant la justice du châtiment, l'ingratitude des courtisans
disparaissait aux yeux de la foule.
Nantes était alors la capitale de ce rude et vaillant pays
qui gardait son indépendance entre deux empires ennemis
: la France et l'Angleterre.
Nantes était une ville noble, mirant dans la Loire ses
pignons gothiques, et fière d'être reine parmi les
cités bretonnes.
La cavalcade allait sous la pluie, dans les rues bordées
de riches demeures.
Monsieur Pierre de Bretagne habitait l'hôtel de Richemont,
ancien fief de son frère Gilles.
À la porte de l'hôtel, il y avait foule d'hommes
d'armes et de seigneurs, qui se tournaient, comme il convient
à la sagesse humaine, du côté du soleil levant.
Hommes d'armes et seigneurs se dirent aussi en voyant passer la
cavalcade :
-Voici monsieur Hue de Maurever qui vient prendre sa revanche
contre le duc François. Et n'était-ce pas justice
?
Le duc François l'avait traqué comme une bête
fauve.