Par un mouvement
plus rapide que la pensée, la duchesse, se baissant à
son tour, mit ses lèvres sur la rude main du chevalier.
-Allez ! allez, dit-elle ; notre seigneur a grand besoin d'aide
à l'heure de sa mort.
Dans la pièce qui précédait la retraite du
malade, Jacques Huiron, médecin, composait des vers latins
en l'honneur de Françoise d'Amboise, femme du duc Pierre.
-Il en a bien encore pour une heure avant de trépasser,
grommela-t-il ; c'est long ! La fin de l'hexamètre est
évidemment Francesca, coronam... Fran-cesca co-ro-nam !
Tout le monde s'appelle Françoise, Françoise de
Dinan, Françoise d'Amboise, Françoise la Chantepie...
C'est égal :
Ille ego qui medicus primun,
Francesca coronam,
Carmin cantabam...
C'est contourné, subtil, joli. «Je suis, ô
Françoise, le premier médecin dont les vers aient
chanté votre couronne !» Francesca coronam. Ca, co...
Enfin n'importe !
Monsieur Hue, Aubry et Reine étaient auprès du lit
de leur souverain.
François ouvrit les yeux. Son meilleur ami ne l'eût
pas reconnu.
-Gilles, mon frère, prononça-t-il d'une voix brève
et haletante ; c'est à l'heure de midi que votre appel
me fut dénoncé.
sous la
main de notre Seigneur Dieu
À l'heure de midi, je serai à votre face, !
Aubry et Reine s'agenouillèrent. Monsieur Hue resta debout.
-Gilles, mon frère, reprit le moribond, je te le jure sur
le restant d'espoir que je garde de fléchir la justice
divine : Je t'aimais. Ce sont les méchants conseillers
qui m'ont perdu, Olivier de Méel, Arthur de Montauban et
d'autres... et d'autres... car ils fourmillent autour des princes
!
-Holà ! s'écria-t-il en apercevant monsieur Hue
; gardes ! à moi !
Monsieur Hue inclinait en silence sa tête vénérable.
François tremblait. Ses draps se mouillaient de sueur.
-Que veux-tu ? murmura-t-il.