Mais
Pivois tomba éventré d'un coup d'épée
à bras raccourci, que lui donna Aubry.
-Belle bête ! murmura-t-il ; c'est dommage ! Ardois, lancé
comme une flèche, passa par-dessus le corps de Pivois.
Aubry lui fendit la tête à la volée d'un coup
de revers. Rougeot, magnifique animal, brun de cotte à
pèlerine rousse, avec deux feux pourpres sous la paupière,
roula sur ses deux compagnons morts. Il avait le col tranché
aux trois quarts.
-Vrai Dieu ! grondait maître Aubry qui s'échauffait
à la besogne, les hommes ne viendront-ils pas à
la fin ! Les hommes venaient.
On entendait parfaitement le pas sourd des chevaux. Aubry vit
la silhouette d'un cavalier qui passait à sa gauche sans
l'apercevoir.
Comme il ouvrait la bouche pour l'appeler, car il était
en train et il avait hâte de sentir une épée
grincer contre la sienne, un quatrième lévrier sortit
du brouillard et fondit sur lui.
Énorme, celui-là ! noir de la tête aux pieds
! beau comme on se représente les chiens fabuleux qui mènent
l'éternelle course de Diane chasseresse.
L'Achille des chiens !
Il bondit littéralement par-dessus l'épée
d'Aubry, tomba de l'autre côté, rebondit avant qu'Aubry
eût le temps de faire volte-face et le saisit à la
gorge.
Mais non point pour l'étrangler, oh ! non ! Pour le caresser
plutôt, doucement et tendrement, comme l'épagneul
favori vient mêler ses longues soies aux longs cheveux de
la châtelaine aimée.
Pour le chérir, pour le baiser en gémissant de joie.
Loys ! maître Loys ! le grand, le fier, l'intrépide
! L'Achille des chiens, on vous le dit. C'était lui que
Bellissan avait acheté à Dinan, par hasard, pour
remplacer le pauvre Ravot, mort de la poitrine.
C'était lui qu'on appelait Reinot, c'était maître
Loys !
Écoutez, Aubry le baisa sur le museau, comme un enfant,
comme un ami. Aubry avait une larme à la paupière.