Justement, un son grave et vibrant perça le brouillard.
Maître Vincent poussa un cri de joie. C'était la
cloche du monastère. Il était à cent pas
du Mont.
-Laissons faire ! laissons faire ! reprit-il, en se frottant les
mains : Jeannin pendu, Simonnette que voilà devenue ma
femme, et cent écus d'or !
Une forme indécise passa près de lui, si près
qu'il sentit comme un frôlement.
Une robe de femme ! il n'y avait pas à s'y tromper !
On peut fuir un homme, quand on a le caractère prudent.
Mais une femme !
Maître Gueffès, devenu brave tout à coup,
s'élança en avant. Ce pouvait être Simonnette,
ce pouvait être mademoiselle Reine.
Bonne prise, dans tous les cas !
Au bout d'une vingtaine d'enjambées, il vit le brouillard
s'ouvrir. Le roc noir de Saint-Michel était devant lui.
C'était hors des murailles de la ville, en un lieu sauvage
et sombre que surplombent les contreforts du monastère.
Sous les fondations, entre les roches énormes, il y avait
une femme, la forme que maître Gueffès avait vue
passer dans la brume.
Bonne prise ! oh ! bonne prise ! maître Vincent Gueffès
reconnut les vêtements de Reine de Maurever.
Et derrière son voile, il reconnut aussi ses cheveux blonds
bouclés, qui brillaient au soleil.
Il s'approcha tortueusement.
De l'autre côté des rochers, il y avait de pauvres
pêcheurs qui faisaient sécher
leurs filets. Ils avaient bien reconnu la Fée des Grèves
pour l'avoir vue souvent glisser, la nuit, sur le sable, depuis
que monsieur était caché à Tombelène.
Ils se dirent :
-Voilà le Normand Gueffès qui va attaquer la Fée.
Sorcier contre lutin : voyons la bataille ! La bataille ne fut
pas longue. Il paraît que les fées sont plus fortes
que les Normands.