ces paumelles s'élèvent à pic du côté
de la terre, et gardent au contraire du côté de l'eau
une pente douce et presque insensible.
Mais outre que cette règle est fort loin d'être générale,
il n'y a que certains endroits des grèves où le
sable soit assez pur pour former ces paumelles.
La marne, qui est presque partout un des éléments
de la tangue, résiste au flot et garde son plan.
Maître Gueffès était justement en un lieu
où il n'y avait point de paumelles.
Il se baissa pour examiner les traces.
Les traces se mêlaient maintenant en tous sens ; chaque
pas formait un trou arrondi dans ce sable mou et prompt à
s'affaisser.
Maître Gueffès était absolument dans la position
d'un homme qui joue à colin-maillard.
La bravoure n'était pas son fait.
Il eut peur, et se prit à courir en suivant au hasard une
des lignes de pas qui partaient du centre où les deux troupes,
les fugitifs d'abord, puis les hommes de Méloir, s'étaient
successivement arrêtées.
Oh ! le pauvre Normand ! s'il avait su ce qui l'attendait au bout
du chemin, il n'aurait pas couru si vite !
Il est notoire que la Fée des Grèves n'aime pas
ceux qui doutent d'elle.
Il est connu que la Fée des Grèves étrangle
volontiers dans un coin ceux qu'elle n'aime pas.
Les fées sont du reste presque toutes comme cela, les fées
bretonnes surtout.
Or, la Fée des Grèves glisse dans le brouillard
comme dans la nuit.
La trace que suivait maître Vincent Gueffès se trouvait
être par hasard celle du petit Jeannin, Fée des Grèves
par intérim.
Tout en marchant, maître Vincent Gueffès se rassurait
un peu et il se disait :
-C'est une journée de cent écus nantais, plus Simonnette,
sans parler du petit scélérat de coquetier, qui
sera pendu cette fois pour tout de bon ! Le chevalier Méloir
m'a promis tout cela.
Laissons faire, l'heure du déjeuner vient. Si je gagne
le Mont, j'ôterai mon bonnet, et je mangerai la soupe des
bons moines pour l'amour de Dieu.