la tangue de près ; on fit de son mieux.
On ne fit rien de bon.
La brume semblait se rire de tout effort.
Maître Vincent Gueffès, car il était là,
maître Vincent Gueffès fut le premier qui se releva.
Il avait le nez tout barbouillé de sable, tant il avait
approché de la tangue ses yeux clignotants et gris.
-M'est avis qu'ils se sont séparés en trois troupes,
dit-il, volontairement ou par l'effet du hasard.
-Après ? demanda Méloir.
-Après, mon bon seigneur ? on prétend que le sire
d'Estouteville a reçu ordre du roi de France de s'opposer
à toute poursuite armée sur le territoire du royaume.
-Qui prétend cela ?
-De gens bien informés, mon cher seigneur. Le vieux Maurever
est un matois. Il aura pris à gauche du Mont pour se trouver
tout de suite le plus près possible de la protection française.
-Oh ! hé ! cria Bellissan, le gros de la bande a pris à
droite du mont Saint-Michel. Allez, chiens, allez !
Il pouvait y avoir du bon dans l'avis de maître Vincent
Gueffès ; mais le lévrier de Bellissan le veneur
entraîna tous les autres, et maître Gueffès
resta seul. Il s'arrêta un instant indécis.
Dans les sables, par le brouillard, il n'est pas permis de réfléchir.
Quand maître Vincent Gueffès se ravisa et voulut
suivre la troupe de Méloir, il n'était déjà
plus temps. Aucun bruit n'arrivait à son oreille.
Il tourna sur lui-même pour s'orienter ! Seconde imprudence.
Par le brouillard, dans les sables, il ne faut jamais tourner
sur soi-même, à moins qu'on n'ait dans sa poche une
boussole.
On perd, en effet, absolument le sens de la direction et dès
qu'on l'a perdu, rien ne peut le rendre. Il n'y a là aucun
objet extérieur qui puisse servir de guide. Les gens du
pays égarés dans la brume se dirigent quelquefois,
quand ils se voient réduits à ces extrémités,
par l'inclinaison des paumelles ou petites rides de sable que
le reflux laisse sur la grève. Ils ont remarqué
que