Vers ce même instant, Méloir et ses hommes d'armes
arrivaient à Tombelène qu'ils avaient manqué
plusieurs fois dans le brouillard.
Bruno avait deviné juste. Dès que Méloir
reconnut que les fugitifs avaient quitté leur retraite,
il mit ses lévriers sur leur trace, et ouvrit la chasse
gaiement.
-Par mon patron, dit-il ; j'aime mieux la chose ainsi ! nous allons
les forcer comme des lièvres en plaine.
Péan, Kerbehel, Hercoat, Corson, Coëtaudon, suivis
des archers et soudards à pied, s'élancèrent
dans la voie. Bellissan, le veneur, tenait son meilleur lévrier
en laisse et ouvrait la marche.
Le brouillard était toujours aussi intense, les hommes
d'armes, montés sur leurs chevaux, ne voyaient point le
sol ; mais chacun d'eux tenait la laisse d'un lévrier et
ils allaient en ligne droite, comme s'il eût fait beau soleil.
Les chiens s'arrêtèrent sur les bords de la rivière
qui passe entre le mont Saint-Michel et Tombelène. Bellissan
n'était pas homme à s'embarrasser pour si peu. Il
passa l'eau et connut les traces nouvelles comme s'il se fût
agi d'un cerf ou d'un sanglier, puis il caressa doucement son
lévrier en disant :
-Vellecy ! allez ! Le chien donna de la voix à bas bruit.
La chasse recommença. Mais bientôt un obstacle d'un
nouveau genre se présenta.
Nous ne voulons point parler de la marche à reculons. Ceci
eût été bon peut-être pour tromper des
hommes, mais les chiens vont au flair et ne raisonnent guère,
les heureux !
À cause de quoi, ils ne commettent point d'erreurs.
L'obstacle dont il s'agit, c'était la divergence des routes
suivies par le petit Jeannin d'abord, frère Bruno ensuite,
et enfin le gros de la caravane.
Les chiens quêtèrent un instant, soufflant au vent,
éternuant, reniflant, et attendant l'indication bonne ou
mauvaise qui leur vient de l'homme, quand leur instinct fait défaut.
Mais ici les hommes étaient encore plus empêchés
que les chiens.
Tout le monde mit pied à terre.
On s'accroupit sur le sable, on regarda