-De
l'éperon, mes enfants, de l'éperon ! Ce brouillard-là
nous la baille belle ! Nous allons prendre notre revanche cette
fois !
-Excepté Reine, qui est votre dame, et le traître
Maurever que nous mènerons à Nantes pieds et poings
liés, répondit un homme d'armes, il ne faut qu'il
en reste un seul pour voir le soleil de midi !
Reine tremblait. Les filles de Saint-Jean se serraient les unes
contre les autres. Frère Bruno fit claquer les doigts de
sa main droite et grommela :
-Ça me rappelle plus d'une histoire, mais chut ! il y a
temps pour tout. Quand ils seront passés, on pourra délier
un peu sa pauvre langue.
-Allons ! Bellissan ! criait Méloir ; découple tes
lévriers, ils vont quêter dans le brouillard ; et
qui sait ce qu'ils trouveront !
Aubry serra la main de Maurever et tira son épée.
Chacun crut que l'heure était venue de mourir. Bellissan
répondit :
-Je ferai tout ce que vous voudrez, sire chevalier ; mais du diable
si les chiens ont du nez par ce temps-là ! Ils détaleraient
à dix pas d'un homme ou d'un renard sans s'en douter.
La cavalcade passait. Elle passa si près que chacun, dans
la petite troupe, crut sentir le vent de la course. Bruno affirma
même depuis qu'il avait vu glisser un cavalier dans la brume,
mais Bruno aimait tant à parler ! Chacun retint son souffle.
-Holà ! cria Méloir, ceci est la rivière
; dans dix minutes, nous serons à Tombelène... Mais
j'ai entendu quelque chose !
La cavalcade s'arrêta brusquement à vingt pas des
fugitifs.
Frère Bruno caressa Joséphine, sa jolie massue,
qu'il n'avait eu garde de laisser dans le fort.
-C'est un de mes lévriers qui est parti, dit Bellissan
; je n'en ai plus que onze en laisse. Ho ! ho ! ho ! Noirot !
ho ! Une sorte de gémissement lui répondit :
-Ho ! ho ! ho ! Noirot ! ho ! cria encore le veneur. Cette fois
il n'eut point de réponse.
-Si nous restons là, dit Méloir, nous nous ensablerons
; les pieds de mon cheval sont déjà de trois pouces
dans la tangue. En avant !
La cavalcade reprit le galop. Les gens de notre petite troupe
étaient