-Moi,
je défendrai Reine ! s'écria Aubry, fallût-il
mettre en terre Méloir et tous ses hommes d'armes. Maurever
croisa ses bras sur sa poitrine.
-Nous en sommes là, dit-il, chacun pour soi !... Et qui
sait si ce n'est pas la loi de l'homme !
* * *
À
ce moment, la nuit était tout à fait tombée.
Le ciel n'était point clair comme la nuit précédente.
La grande marée approchait, amenant avec soi les bourrasques
sur terre et les nuages au ciel.
Il faisait vent capricieux, soufflant par brusques rafales.
Le firmament d'un bleu vif, semé d'étoiles qui brillaient
extraordinairement, se couvrait à chaque instant de nuées
noires.
Les nuées allaient comme d'énormes vaisseaux, toutes
voiles dehors. Elles mangeaient les étoiles, suivant l'expression
bretonne.
À l'Orient, quand l'horizon se découvrait, on voyait
le disque énorme et rougeâtre de la pleine lune qui
sortait à moitié de la mer.
Cela était sombre, mais plein de mouvement. Quand la lumière
de la lune fut assez forte pour argenter le rebord des nuages,
tout ce mouvement s'accusa violemment, et le ciel présenta
l'image du chaos révolté.
Dans leur petite cabane improvisée, Reine et Simonnette
étaient seules. Simonnette s'asseyait aux pieds de Reine,
à qui on avait fait un banc d'herbes et de goémons
desséchés.
-Tu l'aimes donc bien, ma pauvre Simonnette ? disait Reine en
souriant.
-Oh ! chère demoiselle, je ne le savais pas hier. C'est
quand j'ai appris qu'on allait le pendre, que mon coeur s'est
brisé. Lui, il y a longtemps, longtemps qu'il m'aime ;
bien souvent, je me levais la nuit pour regarder par la croisée
de la ferme, et toujours je le voyais guettant sous le grand pommier
qui est de l'autre côté du chemin. Le croiriez-vous,
cela me faisait rire et je me disais :
Le drôle de petit gars ! le drôle de petit gars !
Mais hier ! ah ! Seigneur mon Dieu ! que j'ai pleuré !
Ses yeux étaient encore tout pleins de larmes. Reine l'attira
contre elle et la baisa.
-Ah ! mais j'ai pleuré, poursuivait Simonnette, qui riait
parmi ses