Méloir
se secoua, s'étira, se tâta.
-Allons, dit Aubry, en besogne ! Méloir fit un pas vers
lui. Aubry lui mit sans façon la pointe de l'épée
entre les deux yeux.
-À distance ! dit-il ; les bons comptes font les bons amis
; ne m'approche pas, ou je te pique !
-Tu as donc défiance ?
-J'ai hâte. En besogne.
-J'y suis, mon cousin Aubry, j'y suis ! Méloir se mit en
effet à délacer son armure. Il n'avait que les pièces
légères et non point la carapace en fer que le quinzième
siècle portait encore au combat. Son équipement
consistait en éperonnières d'acier, vissées
aux cuissards de gros buffle, corselet de mailles, manches de
buffle, salade sans visière, à plumail. Aubry le
suivait de l'oeil.
Quand Méloir eut achevé de se désarmer, ne
gardant que ses chausses et son justaucorps, Aubry prit sous la
paille de son lit une corde qui devait lui servir dans son évasion
projetée.
-Donne tes poignets ! commanda-t-il.
-Attends au moins que tu sois armé. Aubry eut un sourire.
-Je m'armerai quand tu seras lié, répliqua-t-il
; donne tes poignets !
Méloir obéit enfin, mais bien à contrecoeur.
Ce bon chevalier avait espéré véritablement
rétablir sa partie pendant qu'Aubry ferait sa toilette.
Il grommela en tendant ses poignets :
-Qui diable aurait pensé que ce petit homme-là pût
jouer si serré ?
-Voilà, dit Aubry, qui avait fait un beau noeud ; je te
tiens quitte des pieds. Assieds-toi maintenant à ma place
et réfléchis, si tu veux, aux vicissitudes du sort.
Méloir s'assit. Il avait beaucoup l'air d'un renard qu'une
poule aurait pris. En un clin d'oeil, Aubry fut armé de
pied en cap.
-Suis-je bien comme cela ? demanda-t-il.
-Sarpebleu ! s'écria Méloir en colère, ne
faut-il encore que je te serve de miroir ?