-Puisque tu te fâches ainsi, mon cousin Aubry, interrompit
Méloir en se levant, c'est que ma recette
est bonne et qu'elle doit réussir.
Aubry se leva également.
-Oui, elle est bonne, ta recette ! balbutia-t-il d'une voix entrecoupée
par la fureur ; Hue de Maurever, qui est la générosité
même. Et peut-être que Reine pour sauver la vie de
son père...
-Par saint Méloir ! s'écria le chevalier, chacune
de tes paroles me ravit d'aise, mon cousin. Il paraît décidément
que j'ai touché le joint.
La colère bouillait dans le coeur d'Aubry. L'effort même
qu'il faisait pour se contenir était un aliment à
sa fureur. Méloir le regardait d'un air provocant.
-Et maintenant, reprit-il, je n'ai plus rien à te dire,
mon pauvre cousin. Au revoir, et bien de la résignation
je te souhaite. Quand nous nous retrouverons, je te présenterai
à ma dame.
La rage du jeune homme fit explosion en ce moment. Toute idée
de prudence avait disparu en lui.
-Lâche ! lâche ! lâche ! s'écria-t-il
par trois fois en s'adossant contre la porte ; tu me retrouveras
plus tôt que tu ne penses... et quand tu ouvriras la bouche
pour tromper le noble vieillard et sa fille, mon épée
te fera rentrer le mensonge dans la gorge !
-Ah !... fit Méloir qui recula jusque sous la fenêtre.
Aubry aurait voulu rappeler les paroles prononcées. Mais
il n'était plus temps.
-Sarpebleu ! dit Méloir, j'étais venu un peu pour
cela. Il paraît que nous avons, nous aussi, des rubriques
? Il regarda tout autour du cachot une seconde fois et plus attentivement.
Aubry s'était recouché sur sa paille ; il ne parlait
plus.
Aubry avait les mains libres ; plus d'une fois l'idée lui
était venue de s'élancer sur le chevalier ; mais
celui-ci était armé jusqu'aux dents, et Aubry n'avait
rien pour se défendre.
Après qu'il eut fait son examen, Méloir grommela
:
-Pas une fente où passer le doigt ! ce petit-là
n'est pas un farfadet, pourtant !