Jeannin
se leva tout droit.
-C'est la voix de la bonne fée ! s'écria-t-il. Julien
et Simonnette disaient en même temps :
-C'est la voix de notre demoiselle ! Ils demeurèrent un
instant interdits, parce que Reine avait passé pour morte,
et que l'idée d'un fantôme vient toujours la première
à l'esprit du paysan breton.
Il fallut que Reine se montrât à visage découvert.
Le petit Jeannin, tout chancelant encore, vint se mettre à
genoux devant elle.
-Fée ou femme, dit-il, morte ou vivante, que Dieu vous
bénisse !
Reine lui prit la main.
-Oh ! notre chère demoiselle est en vie, s'écria
Julien, puisqu'elle prend la main du petiot !
Simonnette tenait déjà l'autre main de Reine et
la baisait.
-Je vous aimais bien déjà, murmura-t-elle, avant
que vous l'eussiez sauvé...
-Et tu m'aimes deux fois plus à présent ? interrompit
Reine, qui souriait. Simon et Fanchon, mes bonnes gens, nous ferons
ce mariage-là pour la Sainte-Anne.
Le Priol et sa femme se tenaient inclinés respectueusement.
-Il me fallait bien sauver, continua Reine, ce beau petit homme-là,
puisque c'était moi qui lui avais mis la corde au cou.
Tous les regards l'interrogèrent, tandis que Jeannin murmurait
confus :
-Si j'avais su que c'était vous, là-bas, sur la
grève, notre demoiselle, je n'aurais pas serré si
fort !
-Mes amis, dit Reine, je vais vous expliquer l'énigme en
deux mots : c'est moi qui avait enlevé l'escarcelle du
chevalier Méloir, parce que l'escarcelle contenait le prix
maudit de la vie de mon père. Jeannin qui me prenait pour
la Fée des Grèves, a exigé de moi cinquante
écus d'or. J'étais pressée, car je portais
des vivres à monsieur Hue de Maurever : j'ai jeté
l'escarcelle en lui disant de bien prendre garde...
-C'est vrai, ça, interrompit Jeannin, et je ne méritais
guère un si bon conseil en ce moment-là !