-C'était
donc vous, noble demoiselle, que j'avais aperçue hier,
à la brune, par les fenêtres brisées du manoir
? demanda Julien.
-C'était moi.
-Et c'était vous aussi, notre maîtresse, ajouta Fanchon,
qui emportiez le gruau que nous placions sur le seuil de nos maisons
pour la Fée des Grèves ?
-C'était moi.
-Et pourquoi notre chère demoiselle, murmura Simonnette,
en caressant la main de sa maîtresse et amie, n'entrait-elle
pas chez ses vassaux dévoués ?
-Parce qu'il s'agissait de vie et de mort, fillette, répondit
Reine qui, cette fois, ne souriait plus.
-Notre demoiselle se défiait de nous, ma soeur, dit Julien,
avec un peu d'amertume ; elle se faisait passer pour morte, afin
que les Le Priol ne puissent point la trahir !
-Votre demoiselle, ami Julien, répliqua Reine, a partagé
vos jeux quand vous étiez enfant. Elle vous aurait confié
de bon coeur sa propre vie, mais...
Julien l'interrompit d'un geste plein de respect et mit un genou
en terre auprès de Jeannin.
-Ce que notre demoiselle a fait est bien fait, dit-il ; ma langue
a trahi mon coeur. Reine lui tendit la main, tout émue.
Il y avait l'étoffe d'un beau soldat dans ce grand et fier
jeune homme qui était à genoux devant elle.
La main qu'on lui tendait, Julien Le Priol la baisa avec un enthousiasme
chevaleresque.
-Je ne suis qu'un paysan, s'écria-t-il, mais je sais un
lieu où il y a des épées, et si Maurever,
mon seigneur, et sa fille ont besoin de mon sang, me voilà
!
-Et moi aussi, me voilà ! répéta gaillardement
le petit Jeannin.
-Comment, toi, petiot ! dit Reine, qui riait, attendrie, toi qui
es plus poltron que les poules !
-Je ne suis plus poltron, notre demoiselle, répliqua Jeannin
de la