-Est-ce
fait ? demanda encore Morgan.
-C'est fait.
-Agitez les torches, que je voie cela ! Les torches s'agitèrent
et lancèrent de longs jets de flammes.
On vit le pauvre Jeannin suspendu au pommier.
Mais on vit aussi une belle jeune fille qui soutenait ses pieds
et portait le poids de son corps. Jeannin souriait, au lieu de
rouler ses yeux et de tirer la langue comme font les patients
de la hart.
Les torches avaient jeté leurs dernières lueurs.
Elles s'éteignirent. Dans cette obscurité soudaine,
la panique prit les soldats de Méloir, qui s'enfuirent
en criant. Ils avaient vu le pendu sourire et la Fée des
Grèves qui le soutenait par les pieds !
Pas n'est besoin de dire que les Mathurin, les Gothon, les Catiche,
la Scholastique et les Joson avaient devancé les soudards.
Quelques minutes après, dans la ferme barricadée,
Fanchon la ménagère, et Simonnette s'empressaient
autour du petit Jeannin évanoui.
Simon Le Priol et Julien, son fils, étaient pensifs auprès
du foyer.
Dans un coin, une femme vêtue de noir se tenait immobile.
-Il revient à lui, le pauvre gars, dit Fanchon.
-Jeannin, mon petit Jeannin ! répétait Simonnette,
qui souriait et pleurait.
-On ne peut pas le rendre à ses coquins de soudards, maintenant,
murmura Julien, c'est bien sûr ! Simon secoua la tête.
-J'avais dit que mon gendre aurait cinquante écus nantais,
pensa-t-il tout haut ; mais j'avais compté sans ma fillette.
Le petit gars n'a pas un denier vaillant, mais c'est tout de même,
puisque ma fillette le veut, il sera mon gendre.
-Le petit gars aura les cinquante écus nantais, s'il plaît
à Dieu ! dit une douce voix dans l'ombre.