Les
soldats prirent Jeannin et le menèrent vers le pommier
qui devait servir de potence.
Maître Vincent Gueffès se cachait derrière
les Gothon. Sa mâchoire souriait diaboliquement.
-Mon joli petit Jeannin, cria-t-il comme l'enfant passait, je
t'avais bien dit que je serais de la noce !
Une main se posa sur l'épaule du Normand. C'était
la main de Simon Le Priol.
-Vincent Gueffès, dit le bonhomme, je te défends
de passer jamais le seuil de ma maison. Gueffès se recula
et grommela entre ses dents :
-Voilà qui est bien, maître Simon ! Il y avait une
agitation singulière parmi les soudards qui attendaient
sous le pommier. Ils se parlaient à voix basse et d'un
accent effrayé. On entendait :
-Je te dis que je l'ai vue... une grande figure blanche et pâle
sur un corps tout noir.
-Elle est là, balbutia un autre ; elle nous guette...
-Où ça ?
-Derrière la haie.
-Saint Guinou ! c'est vrai ! Je vois ses yeux briller entre les
feuilles. Les torches jetaient des lueurs ternes et mourantes
qui faisaient tous les visages livides.
La lune, énorme et rouge, montrait la moitié de
son disque sur le talus du chemin.
-Est-ce fait ? cria Morgan. Les deux soldats qui prirent le petit
Jeannin pour passer son cou dans le noeud de la hart, tremblaient
de la tête aux pieds. Jeannin murmura :
-Ah ! bonne fée ! bonne fée ! Elle m'avait pourtant
bien dit que ces écus-là me porteraient malheur
!
-Il appelle la fée ! balbutia l'un des soldats.
L'autre lâcha prise. Le cou de Jeannin était pris
dans la hart.