-Mensonges,
mensonges, grommelait Merry, quand on a vu pourtant !
-Est-ce que tu as vu, toi ?
-Sur l'échalier qui est à droite de la maison de
mon père, en Tréguier, répondit Merry, j'ai
vu les chats courtauds tenir conseil ; ils étaient deux,
un roux et un gâre (blanc et noir).
Le gâre avait les yeux verts.
-Et qu'est-ce qu'ils faisaient sur l'échalier ?
-Ils parlaient en latin, je ne les ai pas compris. Un éclat
de rire général accueillit cette réponse.
-Quant aux femmes blanches, dit l'archer Couan, dans l'évêché
de Vannes, d'où je suis, j'en connais par douzaines.
Il y a celle du marais de Glenac, auprès de Carentoir,
qui prend les chalands par les deux bouts et les fait tourner
comme des toupies, jusqu'à ce qu'elle les mette au fond
de l'eau.
-Je n'ai jamais vu ni chats courtauds, ni femmes blanches, reprit
un autre soldat, mais mon oncle Renot est mort de la peur que
lui fit une lavandière à la lune.
On ne riait plus qu'à demi, parce qu'il ne faut pas parler
longtemps de choses surnaturelles, quand on veut que les vrais
Bretons restent gaillards.
Ils sont faits comme cela. Au bout de dix minutes, ils ont froid
; au bout d'un quart d'heure, leurs dents claquent.
Aussi aiment-ils de passion à entendre parler de choses
surnaturelles.
-Et les corniquets ! poursuivit Merry, qui ne les a vus danser
autour des croix sur la lande ? Une fois, Merry de Poulven, mon
parrain, était dans son courtil à gauler les pommes.
C'était dimanche et il avait
tort. À l'heure de la fin des vêpres
un gentilhomme entra dans le courtil, par où ? je ne sais
pas, et dit à mon parrain :
-Mieux vaut gauler des pommes à cidre que de braire au
lutrin, mon homme, pas vrai ?
-Oh ! oui, tout de même, répondit mon parrain, qui
ne songeait pas à mal.