aimable
et gai, m'est avis que messire Méloir aimerait autant trouver
la besogne faite.
Simonnette s'était retenue de pleurer pour écouter.
-Ils vont venir ! murmura-t-elle.
Jeannin baissa la tête pour essuyer une larme à la
dérobée.
-Je sais que tu es bonne, Simonnette, dit-il timidement ; là-bas,
aux Quatre-Salines, il y a une pauvre vieille femme...
-Ta mère, Jeannin !
-Ma mère... c'est vrai... et j'aurais dû penser plus
tôt à elle.
Ma mère qui est presque aveugle et qui n'a que moi pour
soutien.
-Je serai sa fille ! s'écria Simonnette.
-Le promets-tu ? demanda Jeannin qui gardait un peu d'inquiétude.
-Je le jure ! Le front de Jeannin se rasséréna aussitôt.
-Puisque c'est comme ça, dit-il, tu iras chez nous demain
matin.
Tu ne diras pas tout de suite à la vieille femme : «Dame
Renée, le petit Jeannin est mort», parce que ça
lui donnerait un coup, et elle n'est pas forte. Tu lui prendras
les deux mains, et tu commenceras ainsi : «Dame Renée,
dame Renée, c'est un métier bien dangereux que de
courir les tangues». Elle arrêtera son rouet pour
te regarder. Tu l'embrasseras, Simonnette, et tu reprendras comme
ça :
«Dame Renée ; oh ! dame Renée !...»
Il s'arrêta et laissa échapper un gros soupir. Le
coeur de Simonnette se fendait.
-Oui, poursuivit encore l'enfant, qui luttait contre le navrant
de cette scène avec un courage héroïque ; oui...
je ne sais pas, moi, Simonnette, comment tu tourneras cela ; tu
es plus habile que moi, pour sûr. Ce qu'il faut, c'est la
ménager, car elle aime bien son petiot, va ! Et... et...
oh ! mon Dieu ! Je voudrais bien qu'ils vinssent me prendre et
me tuer, car cela fait trop souffrir d'attendre !
Au dehors, les soudards causaient pour passer le temps.
-La fée des Grèves, disait Kervoz, les laveuses
de nuit. Les Korrigans, les femmes blanches et le reste, ce sont
des mensonges, et les nigauds s'y prennent.