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"LA FEE DES GREVES" par Paul Féval Liens vers pages suivante, précédente et sommaire du livre en bas de page.

La Fée des Grèves de Paul Féval

rapide. Le jour approchait. Elle voulut profiter de la brume et se mit vaillamment à la nage. Mais le courant la prit dès les premières brasses. Elle fut obligée de lâcher son panier et de rebrousser chemin.
C'était vingt-quatre heures d'attente pour le vieillard qui souffrait.
Reine le savait.
Elle avait le coeur bien gros, la pauvre fille, en traversant la grève ; mais, outre que le reflux avait emporté ses provisions, elle ne pouvait aller à Tombelène en plein jour, sans trahir le secret de la retraite de son père.
La route qui lui restait à faire pour regagner le village de Saint-Jean était longue, car elle ne pouvait traverser la grève bretonne à cause de la présence des soldats de Méloir. Il lui fallait rester en Normandie jusqu'à la terre ferme, où les haies pourraient alors protéger sa marche.
Elle était lasse et presque découragée.
Si le petit Jeannin ne lui eût point pris l'escarcelle de Méloir, elle aurait attendu la nuit de l'autre côté d'Avranches, au bourg de Genest ou ailleurs, elle aurait acheté des provisions, et profité du bas de l'eau, vers le commencement de la nuit, pour passer à Tombelène.
Mais elle n'avait rien ; elle avait tout donné, pressée qu'elle était de s'enfuir.
Le seul moyen qu'elle eût désormais de se procurer des vivres, c'était de rôder la nuit prochaine, autour des maisons de Saint-Jean, et de prendre, au seuil des portes closes, les offrandes déposées pour la fée des Grèves.
Le jour, il fallait qu'elle errât dans la campagne de Normandie.
Il n'était pas encore midi lorsqu'elle arriva au bourg d'Ardevon, à une demi-lieue de la rive normande du Couesnon. Elle s'enfonça dans les guérets, et le sommeil la prit, accablée de fatigue, au milieu d'un champ de froment.
Elle ne fit pas comme le petit Jeannin, qui dormit douze heures ce jour-là dans sa meule de paille. Elle s'éveilla longtemps avant le coucher du soleil, et fit le grand tour pour arriver au village de Saint-Jean à la nuit tombante.
Le manoir était désert lorsqu'elle parvint au pied du tertre.

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