qui
évoquerait des fantômes de carton pour amuser son
public et qui verrait surgir un vrai spectre.
-La Fée des Grèves ! répéta-t-il une
seconde fois ; mais c'est des contes de veillée, tout ça,
petiot !
-Comment ? l'histoire du chevalier breton ?...
-Un conte !
Jeannin fit sonner les pièces d'or qui étaient dans
l'escarcelle.
-Et ça, est-ce des contes ? demanda-t-il d'un accent de
triomphe ; la Fée des Grèves a bien pu transporter
le chevalier au Mont, à la marée haute, puisqu'elle
m'a donné de quoi épouser Simonnette !
Ce disant, le petit Jeannin ouvrit l'escarcelle et fit ruisseler
les écus sur la table de la ferme. Il y en avait bien plus
de cinquante. Simon et Fanchon étaient littéralement
éblouis.
Vincent Gueffès restait immobile dans son coin.
Il se disait :
-J'ai pourtant failli être pendu pour ces beaux écus
tout neufs, moi ! Il se dit encore :
-La demoiselle aurait pris l'escarcelle ; le petit falot, la tête
pleine des contes de maître Simon, aura couru après
la demoiselle... Et puis, voilà.
Maître Vincent Gueffès, comme on voit, était
un homme de beaucoup de sens. Impossible de mieux résumer
l'histoire que nous avons racontée en tant de chapitres
! Simon et sa femme étaient bien loin de voir aussi clair
dans ces mystérieuses ténèbres. Ils regardaient
les écus d'un air peu rassuré. Mais c'étaient
des écus. Simon les aimait ; Fanchon aussi. Simon interrogea
Fanchon de l'oeil et Fanchon répondit :
-Dam ! notre homme.
Jeannin est un beau petit gars, tout de même !
-Pour ça, c'est vrai ! appuya Simon Le Priol en considérant
Jeannin avec attention, ce qu'il n'avait jamais fait en sa vie.
-Il a de beaux yeux bleus, ce petit-là, ajouta Fanchon
d'une voix presque caressante déjà.