Il
s'en donnait, il s'en donnait le petit Jeannin !
Puis tout à coup il mettait le poing sur la hanche, comme
le hallebardier de la cathédrale de Dol. Il marchait à
pas comptés.
Voyez quel homme grand cela faisait !
Avec une soutanelle de laine brune au lieu de sa peau de mouton,
il eût ressemblé à un clerc.
Mais cette gravité-là ne durait point.
Jeannin demeurait aux Quatre-Salines. Sa vieille mère avait
une petite cabane où le vent venait par tous les bouts.
Cette nuit, le rêve de Jeannin bâtit une bonne maison
de marne à sa vieille mère.
Quant à lui, nous savons qu'il couchait rarement au logis.
À l'extrémité du village des Quatre-Salines,
il y avait une ferme riche ; devant la ferme, dans le verger,
une belle meule de paille six fois grande comme la cabane de la
mère de Jeannin.
C'était là le vrai domicile du petit coquetier.
Il s'était creusé un trou bien commode dans la paille,
et il dormait là mieux que vous et moi.
Sa mère avait une bique (chèvre). La bique tenait
dans la cabane la place du petit Jeannin : il lui fallait bien
trouver son gîte ailleurs.
Par delà le mont Dol et
les coteaux de Saint-Méloir-des-Ondes,
l'aube teintait de blanc les contours de l'horizon, quand Jeannin
arriva au bout de la grève. Il était trop tôt
pour se présenter chez Simon Le Priol. Jeannin sauta tête
première dans sa meule de paille et s'endormit tout d'un
temps.
Le bon somme qu'il fit ! et les bons rêves !
Il vit des cierges allumés pour ses noces
dans l'église du bourg de Saint-Georges. Fanchon la ménagère
tenait sa fillette par la main et la conduisait à l'autel.
Simon Le Priol avait son pourpoint de fêtes gardées.
Quand le petit Jeannin dormait une fois, c'était pour tout
de bon.
Le soleil se leva et se coucha pendant qu'il dormait. À
son réveil, la brume était déjà tombée.
-Oh ! dà ! se dit-il, le jour tarde bien à se montrer
ce matin !
Il sortit de sa meule attendant toujours le soleil. Ce fut la
lune qui vint.