-Allons
! se dit le petit Jeannin, j'ai fait un joli somme. Il faut courir
chez Simon Le Priol pour demander Simonnette en mariage !
La route se fit gaiement. Jeannin avait son escarcelle sous sa
peau de mouton. Il frappa à la porte de Simon.
-Holà ! petiot, lui dit le bonhomme quand il fut entré,
depuis quand frappes-tu aux portes comme si tu étais quelque
chose ?
De fait, le petit Jeannin n'avait point coutume de frapper. Il
faisait comme les chats : il entrait tout doucement sans dire
gare.
S'il avait frappé ce soir, c'est qu'en effet, sans se rendre
compte de cela, il se sentait devenu quelque chose.
- Bonjour, Simon Le Priol, dit-il avec un pied de rouge sur la
joue ; bonjour, dame Fanchon et la maisonnée.
La maisonnée se composait de deux vaches et de quatre gorets,
car Simonnette était dehors, ainsi que tous les Mathurin
et toutes les Gothon.
Fanchon et Simon se regardèrent.
-Qu'a-t-il donc, ce petit gars-là ? demanda la métayère
; il a l'air tout affolé !
-Est-ce que tu es malade, petiot ? interrompit Simon avec bonté.
Jeannin ne savait pas s'il était bien portant ou malade.
Sa langue était paralysée. Simon Le Priol et sa
ménagère lui semblaient, en ce moment, plus imposants
qu'un roi et une reine.
Il n'avait point préparé son discours. Tout à
l'heure, cela lui paraissait si simple de dire en entrant :
-Bonjours à trétous, je viens pour épouser
Simonnette. Maintenant il ne pouvait plus.
-Femme, dit Simon, il est tout pâle et il tremble les fièvres.
Donne-lui une écuellée de cidre bien chaud pour
lui recaler le coeur.
-Oh ! merci tout de même, murmura Jeannin ; mais dam, je
n'ai point froid au coeur. Bien du contraire quoique l'écuellée
de cidre ne soit pas de refus. Mais, je vais vous dire : faut
que vous sachiez ça tous deux. Il m'est tombé un
bonheur.
La porte grinça sur ses gonds.