La
fée s'assit sur un quartier
de roc afin de reprendre haleine.
Elle appuya ses deux mains contre sa poitrine pour comprimer les
battements de son coeur.
De Saint-Jean-des-Grèves au Mont, il y a une grande lieue
et demie. La fée, en parcourant cette distance, n'avait
pas cessé un seul instant de courir.
Elle releva son voile pour étancher la sueur de son front
et montra aux rayons de la lune cette douce et noble figure que
nous avons admirée déjà dans la grande salle
du manoir de Saint-Jean.
Puis elle tourna la base du roc et entra dans l'ombre sous la
muraille méridionale de la ville.
Elle pouvait entendre en haut du rempart le pas lourd et mesuré
du soldat de la garde de nuit qui veillait.
Ce n'était pas pour s'introduire dans la ville que notre
fée prenait ce chemin, car elle passa derrière la
Tour-du-Moulin, qui était la dernière entrée
de la ville, et s'engagea dans des roches à pic où
nul sentier n'était tracé.
Bien que la nuit fût claire, elle avait grand'peine à
se guider parmi ces dents de pierre qui déchirent les mains
et où le pied peut à peine se poser.
Elle allait avec courage, mais elle ne faisait guère de
chemin.
Elle atteignit enfin une sorte de petite plate-forme au-dessus
de laquelle un pan de pierre coupé verticalement rejoignait
la muraille du château. Impossible de faire un pas de plus.
Mais la fée n'avait pas besoin d'aller plus loin, à
ce qu'il paraît, car elle posa son panier sur le roc et
s'approcha du pan de pierre.
Une sorte de meurtrière, taillée
dans le granit même défendue par un fort barreau
de fer, s'ouvrait sur la plate-forme.
La fée mit sa blonde tête contre le barreau.
-Messire Aubry ! dit-elle tout bas.
-Est-ce vous, Reine ? répondit une voix lointaine et qui
semblait sortir des entrailles mêmes de la terre.