À
vue d'oeil, la mer monte, au contraire, avec une certaine lenteur,
égale et patiente, excepté dans les grandes marées.
Cela ne ressemble en rien au flux fougueux et bruyant qui a lieu
sur les côtes.
Ici, on ne voit à proprement parler, ni vague ni ressac,
parce que la lame a été brisée mille fois
depuis l'entrée de la baie jusqu'aux grèves et aussi
sans doute parce que la marée ne rencontre aucune espèce
d'obstacle.
C'est tout simplement le niveau qui monte et l'eau qui s'épanche
en vertu des lois de la gravité.
Point d'efforts, point de luttes, point de montagnes chevelues,
creusant leur ventre d'émeraude et jetant leur écume
folle vers le ciel.
Pour peindre la grande mer et sa fureur, un peintre ne choisira
certes jamais les alentours du Mont-Saint-Michel.
Mais qu'importe le mouvement, le fracas, la colère ?
Les gens qui frappent froidement et en silence tuent tout aussi
bien et mieux que si la rage les emportait.
Le mouvement désordonné, le fracas, les menaces,
en un mot, sont des avertissements, tandis que la tranquillité
attire et trompe.
Plus d'un parmi ceux qui sont morts sous les sables a dû
sourire en voyant la mer monter entre Avranches et le Mont. Pourquoi
prendre garde à ce lac bénin qui s'enfle peu à
peu et qui vient vous caresser les pieds si doucement.
Ce lac bénin a de longs bras qu'il étend et referme
derrière vous.
Prenez garde !
Il était plus de deux heures de nuit lorsque la fée
atteignit les roches noires qui forment la base du Mont-Saint-Michel.
La mer venait derrière
elle. On l'entendait rouler de l'autre côté du Mont.