mouvait
sur la route. Voilà tout. Car la lune était au couchant
et prenait Jeannin à revers, tandis qu'elle éclairait
en plein la fée.
La pauvre fée s'était dit :
-Celui-là est en avant parce qu'il court plus vite, mais
les autres viennent après !
Les autres, c'étaient les hommes d'armes et les soudards
endormis naguères dans la grand'salle du manoir de Saint-Jean.
Elle les avait bravés dans sa témérité
folle. Ils venaient la punir.
La fée ne se trompait pas de beaucoup, car, en ce moment
même, huit ou dix cavaliers
descendaient le tertre
de Saint-Jean et prenaient au galop le chemin de la grève.
Seulement, le petit Jeannin ne servait point d'avant-garde à
cette troupe de cavaliers. Il chassait pour son propre compte.
La fée avait jugé tout de suite qu'elle ne pourrait
échapper que par la ruse. Or, bon Dieu ! Depuis quand les
fées ont-elles besoin de ruse ?
Ne savait-elle plus, cette fée, enfourcher les rayons d'argent
de la lune qui étaient sa monture ordinaire ?
Ne pouvait-elle bondir en se jouant par-dessus les chênes
ébranchés du Marais, par-dessus les pommiers, par-dessus
les trembles aux feuilles de neige ?
Ou glisser, plus rapide que l'éclair, sur la grève
mouillée, franchir les lises et plonger sous le flot, jusqu'à
ces grottes diamantées qui sont, comme chacun sait, au
fond de la mer ?
Vraiment, ce n'est pas la peine d'être fée quand
il faut s'essouffler par les chemins battus, donner le change
comme un lièvre aux abois et se cacher dans les broussailles
!
Ce raisonnement était à la portée du petit
Jeannin ; s'il l'eût fait, peut-être aurait-il arrêté
sa course, car c'était une vraie fée qu'il lui fallait,
une fée pouvant changer sa misère en opulence.
Et non point une fée de hasard, tremblant la peur comme
une fillette.
Mais il ne fit pas ce raisonnement. Il avait confiance.
-Elle est à moi ! avait-il dit.