-Et
tu voudrais l'arracher ?
-J'allais y venir, répliqua tout naturellement Gueffès.
Quand on ne peut manger ni chair, ni poisson, ni froment, ni rien
de ce qui se mange, on grignote le bout de ses doigts pour tromper
sa faim, c'est de la philosophie. Quand le renard est trop bas,
et que les raisins sont trop hauts, le renard serait bien fâché
d'y mordre, c'est encore de la philosophie.
-Quand le Normand enrage, poursuivit Méloir du même
ton, et qu'il est obligé de rentrer les ongles, le Normand
récite des apologues.
-C'est toujours de la philosophie, conclut maître Gueffès.
-Allons, maraud ! s'écria le chevalier en se levant tout
à coup, l'air est frais ce matin, allume-moi mon feu, et
trêve de bavardages ! Si tu sais où se cache le traître
Maurever, tu me l'apprendras pour remplir ton devoir de vassal.
Si tu ne remplis pas ton devoir de vassal, c'est toi qui seras
pendu !
Gueffès n'était pas homme à s'insurger contre
ce brusque changement.
Il s'inclina jusqu'à terre et alluma le feu.
Mais il savait d'autres fables
que celle du Renard et les Raisins. Le vieil Ésope n'avait
pas attendu notre La Fontaine pour mettre en action la logique
bourgeoise.